Un maire peut-il être tenu responsable des dégradations, vols ou profanations survenus dans un cimetière ?

20 juin 2024 | Droit - Justice

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Photo : L'Essor

Un maire peut-il être tenu responsable des dégradations, vols ou profanations survenus dans un cimetière ?

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Des cimetières juifs ou des carrés musulmans profanés, des tombes vandalisées : l’actualité regorge malheureusement de ces exemples. Récemment encore, en mars 2024, une cinquantaine de tombes ont été taguées d’insultes et d’inscriptions liées à l’Islam dans le cimetière de Clermont-d’Excideuil, en Dordogne. Des stèles juives ont été retrouvées dégradées ou détruites, en novembre 2023, au sein du cimetière de Moulin-sous-Touvent, dans l’Oise. Depuis plusieurs années, de nombreux vols d’objets (plaques, médaillons, croix, ornements en laiton, en cuivre, ou en étain, pots et vases et très souvent des plantes et fleurs) ont également lieu dans de nombreux cimetières. Dans ces cas, la responsabilité administrative de la commune peut-elle être engagée ? Un petit tour de l’état du droit permet d’avoir un éclaircissement sur cette question précise.

Aux termes de l’article L.2213-8 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), le maire assure la police des funérailles et des cimetières.

Sont soumis au pouvoir de police du maire le mode de transport des personnes décédées, le maintien de l’ordre et de la décence dans les cimetières, les inhumations et les exhumations, sans qu’il soit permis d’établir des distinctions ou des prescriptions particulières à raison des croyances ou du culte du défunt ou des circonstances qui ont accompagné sa mort.

Les lieux de sépulture autres que les cimetières sont également soumis à l’autorité, à la police et à la surveillance des maires, selon l’article L.2213-10 du même code.

La surveillance des cimetières et des lieux de sépulture incombe donc au maire, en application des articles L.2213-8 à L.2213-10 du CGCT.

Le maire peut également agir sur le fondement des pouvoirs de police générale qui lui sont attribués par l’article L.2212-2 du code précité.

Il appartient ainsi à chaque commune de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité dans le cimetière et de prévenir tout acte de malveillance, notamment en confiant cette mission de surveillance à un garde champêtre ou un policier municipal.

En outre, la commune peut décider de la mise en place d’un dispositif de vidéosurveillance.

Enfin, ainsi que l’a rappelé le Conseil d’État dans un arrêt Commune d’Ostricourt, le pouvoir de police ne peut être délégué à une personne privée : une commune ne peut donc pas recourir aux services de maîtres-chiens, ou à toute autre forme de sécurité privée, pour lutter contre les dégradations ou profanations dans le cimetière (CE, 29 décembre 1997, n° 170606, mentionné aux tables du recueil Lebon).

Il existe donc une obligation de surveillance.

C’est la raison pour laquelle le juge administratif va engager dans certains cas la responsabilité de la commune pour la réparation d’un préjudice résultant de la ruine d’un monument funéraire (CE, 19 octobre 1966, n° 63268, publié au Lebon).

Le juge administratif fait toutefois preuve de pragmatisme en ne donnant pas à l’obligation de surveillance du maire le caractère d’une obligation de résultat.

Ainsi, le juge n’a pas reconnu la responsabilité du maire dans la disparition d’une pierre tombale, dès lors qu’il avait organisé un dispositif de surveillance du cimetière, en prévoyant un système de contrôle des véhicules automobiles pénétrant dans l’enceinte du cimetière et un système de gardiennage de ce cimetière (TA Marseille, 8 juin 2004, Collectivités-Intercommunalité 2004, comm. 249, note D. Dutrieux).

La responsabilité de la commune peut donc être recherchée, si le maire ne peut démontrer que des mesures de prévention adaptées aux circonstances locales avaient été prises.

Dans la décision susvisée du TA de Marseille du 8 juin 2004, la commune est parvenue à faire rejeter la requête en démontrant qu’étaient instituées des mesures destinées à assurer la surveillance du cimetière, ces mesures étant considérées comme suffisantes eu égard aux circonstances.

Il a également été jugé qu’une commune ne peut être responsable des dégâts causés par la chute d’un monument funéraire, dès lors que n’est pas démontrée une faute commise dans l’exercice du pouvoir de police (CAA Nancy, 13 janvier 2005, n° 02NC00427).

Dans cette dernière décision, il a été considéré que “la sépulture n° 233-234 section 49 au cimetière sud à Nancy, dont M. X est le concessionnaire, a été endommagée par une stèle se trouvant à l’arrière de celle-ci, cadastrée n° 236 section 49 ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que la stèle qui s’est abattue sur la sépulture voisine aurait présenté à sa base des signes manifestes de descellement et que, de ce fait, la ville de Nancy aurait commis, dans l’exercice de ses pouvoirs de police des cimetières, une faute de nature à engager sa responsabilité à l’égard de M. X ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin de prescrire un expertise, M. X n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande”.

En outre, une circulaire du ministère de l’Intérieur du 11 janvier 2005 a rappelé les moyens juridiques et techniques à la disposition des maires pour assurer la protection des lieux de sépultures ainsi que le dispositif pénal permettant la répression des actes de profanation.

Selon ce texte, deux types de mesures de protection des cimetières et des lieux de sépultures peuvent être principalement recommandés aux communes : la surveillance humaine et la surveillance technologique.

S’agissant de la surveillance humaine, ce peut être, tout d’abord, des agents de police municipale.

Leurs compétences en matière de police administrative sont définies à l’article L.2212-5 du CGCT, qui dispose que ces agents exécutent les tâches relevant de la compétence du maire que celui-ci leur confie en matière de prévention et de surveillance du bon ordre, de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité publiques. Outre leurs missions de prévention, ils sont aussi habilités à constater par procès-verbal les contraventions aux arrêtés de police du maire.

En ce qui concerne les dégradations de sépultures, qui sont des délits, les agents de police municipale, conformément à l’article 21 du Code de procédure pénale, ne peuvent les constater par procès-verbal, mais rédigent des rapports transmis au Procureur de la République et au maire.

Ce peut être également des gardes champêtres qui sont chargés de rechercher les contraventions aux règlements et arrêtés de police municipale qu’ils constatent par procès-verbal. Les communes peuvent se regrouper pour procéder au recrutement de gardes champêtres et de policiers municipaux.

En ce qui concerne la surveillance technologique, elle ne peut à elle seule être considérée comme la réponse aux problèmes de profanation, “elle peut néanmoins constituer une mesure efficace de protection des sépultures” selon cette même circulaire.

Le recours à la vidéosurveillance dans les “lieux ouverts au public particulièrement exposés à des risques d’agression ou de vol” est soumis à autorisation. En effet, l’assimilation des risques d’agression ou de vol aux risques d’atteintes à la sécurité des personnes et des biens permet d’inclure dans le champ d’application de ces dispositions, les dispositifs de vidéosurveillance dont l’objet est la prévention de la dégradation des sépultures.

La mise en œuvre, par les communes, de mesures de surveillance des cimetières et des lieux de sépultures, et le renforcement de la vigilance des services de la police et de la gendarmerie nationales aux abords de ces lieux, doivent permettre :
– de prévenir les profanations de sépultures ;
– ou de faciliter la recherche des auteurs de profanations qui seront déférés à l’autorité judiciaire.

Rappelons enfin que toute atteinte à l’intégrité du cadavre, par quelque moyen que ce soit, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, et ce selon l’article 225-17 du Code pénal.

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