Après trois ans de négociations, le premier traité international visant à lutter contre la cybercriminalité a été approuvé jeudi 8 août par les États membres de l’ONU. Ce texte, qui sera soumis à l’automne au vote de l’Assemblée générale, entrera en vigueur si au moins 40 États membres le ratifient.
Une adoption incertaine ?
Son adoption reste cependant incertaine. Bien que qu’il vise à « combattre plus efficacement la cybercriminalité » et à renforcer la coopération internationale, notamment dans la lutte contre l’accès aux images pédopornographiques et le blanchiment d’argent, le texte est vivement critiqué par les défenseurs des droits humains et les grandes entreprises technologiques. Ces derniers dénoncent un potentiel outil de « surveillance mondiale » et un périmètre jugé trop vaste. Il permettrait en effet à un État, pour enquêter sur tout crime passible d’au moins quatre ans de prison selon sa législation nationale, de demander aux autorités d’un autre État toute preuve électronique liée à ce crime, y compris des données auprès des fournisseurs d’accès.
Si la lutte contre la pédopornographie et l’exploitation sexuelle des enfants fait l’unanimité, certains s’inquiètent de la possibilité de criminaliser des actes relevant de la liberté d’expression, de conscience, d’opinion, de religion ou d’association. Deborah Brown, de Human Rights Watch, a qualifié le traité de « catastrophe pour les droits humains », dénonçant auprès de l’AFP un « outil multilatéral de surveillance sans précédent » qui pourrait être utilisé pour réprimer les journalistes, les militants, les personnes LGBT, les libres penseurs, et d’autres individus à travers les frontières. Les géants de la Tech partagent cette inquiétude. Nick Ashton-Hart, porte-parole de l’organisation Cybersecurity Tech Accord, qui regroupe plus de 100 entreprises du secteur, Microsoft et Meta en particulier, critique lui aussi un texte dont « les défauts majeurs identifiés par la société civile, le secteur privé et même l’organe des Nations unies pour les droits de l’Homme » n’ont pas été corrigés.
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En revanche, certaines délégations estiment que le traité accorde une place excessive aux droits humains. La Russie, soutien historique du processus, déplore un texte « excessivement saturé de garde-fous liés aux droits humains ». De son côté, l’Iran a tenté de faire supprimer plusieurs clauses jugées problématiques, notamment celle stipulant que « rien dans cette Convention ne doit être interprété comme permettant la répression des droits humains ou des libertés fondamentales ». Aucun de ces pays n’a cependant empêché l’approbation de ce texte, adopté par consensus par l’ensemble des délégations étatiques…