Crises géopolitiques en cascade, retour des menaces étatiques, cyberattaques massives, ingérences étrangères… Le rapport d’activité 2023-2024 de la Délégation parlementaire au renseignement (DPR), récemment publié, dresse un tableau sans concession de l’état du monde – et des défis qu’il impose aux services français. Rédigé par huit parlementaires habilités secret-défense, ce document annuel fait office d’audit stratégique du renseignement national. Malgré de nombreuses sections classifiées, il lève le voile sur plusieurs points de tension majeurs et avance 28 recommandations pour repenser l’organisation et la stratégie des services.
Des crises qui s’additionnent, des services sous pression
Le rapport débute par un constat sans appel : l’accumulation des crises fragilise la capacité d’anticipation de l’État. Guerre en Ukraine, attaque du Hamas contre Israël, instabilité chronique en Afrique… Autant d’événements qui prennent souvent de court les services de renseignement, incapables de prévenir certains tournants géopolitiques, comme les coups d’État à répétition sur le continent africain ou l’invasion russe de 2022.
Face à cette complexité croissante, les parlementaires plaident pour une réorientation stratégique. Le retrait des forces françaises du Sahel impose de ne pas baisser la garde en Afrique, sous peine de perdre un savoir-faire opérationnel précieux. Une nouvelle doctrine est donc jugée nécessaire, combinant maintien des capacités africaines et redéploiement vers d’autres zones sensibles comme l’Indopacifique ou la Russie.
Menaces hybrides : l’alerte numérique
Le rapport insiste aussi sur la montée des menaces hybrides, en particulier les cyberattaques et les campagnes de désinformation. Il met en avant le rôle déterminant de l’agence Viginum, chargée de traquer les ingérences numériques, et alerte sur une réalité désormais centrale : l’espace informationnel est devenu un champ de bataille à part entière. Face à cette guerre d’un nouveau genre, les auteurs appellent à une réponse concertée, mêlant renseignement, diplomatie et régulation du numérique.
Technologies de surveillance : progrès sous vigilance
Autre enjeu de fond : l’usage croissant des algorithmes dans la lutte contre les ingérences étrangères. Si ces outils renforcent les capacités des services, ils posent aussi de sérieuses questions en matière de libertés publiques. Le rapport recommande un encadrement plus strict de ces technologies, pour éviter toute dérive et préserver l’équilibre entre efficacité opérationnelle et respect des droits fondamentaux.
Paris 2024 : un test grandeur nature réussi
Parmi les points de satisfaction, la sécurisation des Jeux olympiques de Paris 2024 est saluée comme une réussite. Face à la menace terroriste, au risque de sabotage ou d’attaques par drones, un dispositif de renseignement exceptionnel a été mis en place. La coordination étroite entre services et la gestion anticipée des cybermenaces ont permis d’éviter tout incident majeur. Une démonstration de force saluée par les parlementaires comme un test grandeur nature pour l’appareil sécuritaire français.
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Enfin, en guise de garde-fou, le rapport insiste sur l’importance d’un contrôle étroit des activités de renseignement. La DPR salue le rôle de la CNCTR (Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement), tout en appelant à renforcer l’arsenal législatif pour permettre un suivi plus réactif, voire en temps réel, des opérations sensibles. Autrement dit : adapter les outils sans renier les principes. Dans un monde où les menaces évoluent plus vite que les procédures, les 28 recommandations du rapport dessinent ainsi une feuille de route particulièrement ambitieuse.
