Un an après son lancement, le pôle franco-allemand de cybersécurité issu de l’alliance entre Vade (France) et Hornet (Allemagne) vole en éclats. Présentée comme une alternative souveraine face aux géants américains du secteur, l’initiative s’effondre brutalement avec le rachat de Hornet par ProofPoint, poids lourd de la cybersécurité basé aux États-Unis. Une acquisition qui suscite de vives réactions, notamment celle de Vincent Dupart, président de SPAC Alliance, dans une tribune publiée dans La Provence.
Une rivalité judiciaire devenue victoire américaine
Cette acquisition résonne d’autant plus fortement que Vade et ProofPoint ont un lourd passif. En 2021, après deux ans et demi de procédure, la justice américaine avait condamné la start-up française à verser 44 millions de dollars à son concurrent américain pour détournement de secrets commerciaux et contrefaçon de droits d’auteur. Fragilisée par cette décision, Vade avait bénéficié d’un soutien massif de l’État français, à hauteur de 24 millions d’euros, via le fonds French Tech Souveraineté, censé relancer une ambition européenne dans le domaine de la cybersécurité.
En rachetant Hornet, partenaire stratégique de Vade, ProofPoint transforme donc une rivalité judiciaire en succès stratégique. Une opération à trois bandes, où l’argent public français aura, in fine, renforcé un acteur américain. De quoi relancer le débat sur la cohérence et la résilience d’une politique industrielle européenne encore trop perméable aux logiques de marché mondialisé.
Des pépites françaises très convoitées
De fait, toujours dépendante des GAFAM, l’Europe peine à structurer une véritable stratégie souveraine. Plusieurs sociétés françaises de cybersécurité – Sekoia.io, HarfangLab, TEHTRIS, WALLIX, Cyberwatch, Oodrive, Mailinblack – suscitent ainsi un intérêt croissant de la part d’investisseurs étrangers. Si cette attractivité témoigne du dynamisme du secteur, elle fait aussi peser un risque de perte de contrôle stratégique, notamment dans un environnement géopolitique marqué par la fragmentation numérique et les tensions transatlantiques.
Pour Vincent Dupart, la multiplication des acquisitions sous capitaux non européens pose ainsi une question de fond : que reste-t-il du projet de cloud souverain porté par Gaia-X ? Et des ambitions d’indépendance en matière de cybersécurité, ou encore d’intelligence artificielle maîtrisée sur le sol européen ? Derrière les promesses de souveraineté technologique, c’est bien la capacité du continent à préserver le contrôle de ses infrastructures critiques qui est en jeu. Car derrière des sociétés comme ProofPoint se profilent aussi le Cloud Act, le Patriot Act ou le FISA : autant de dispositifs extraterritoriaux qui permettent à l’administration américaine d’accéder, sous conditions, aux données hébergées par ses entreprises.
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Dans ce paysage, résister aux logiques d’abandon ou à la facilité d’un capital rapide devient une nécessité stratégique. Faute de quoi, l’Europe risque de rester un marché… sans jamais devenir un acteur à part entière.