Nous sommes en 1955, un jeune professeur intègre un lycée professionnel et se retrouve confronté à la violence de sa classe, le tout rythmé par « rock around the clock » de B Haley (le rock’n roll vient de naitre). Le jeune professeur oscille entre des collègues compréhensifs et d’autres, autoritaires. La violence s’exerce dans le cadre scolaire et en dehors de celui-ci. In fine le professeur (joué par Glenn Ford) arrivera à rétablir le calme dans sa classe…happy end !
Nous sommes en 2024, deux professeurs se sont fait tuer par des proches de leurs élèves, un proviseur a préféré anticiper sa retraite, un professeur est giflé par un élève mécontent, des élèves sont assassinés par des camarades ou des voisins pour des motifs qui semblent superficiels, mots ou dessins, mais aux conséquences dramatiques. La violence s’exerce dans le cadre scolaire – des dealers qui règlent leurs comptes dans les lycées de certaines villes, des élèves qui menacent ou frappent leurs professeurs – et en dehors de celui-ci comme en témoignent les meurtres de Samuel Paty ou Dominique Bernard.
Cela fait bien longtemps que l’école, ou le lycée ne sont plus des sanctuaires épargnés par la violence.
Ces espaces d’enseignement tendent à devenir des points de concentration des tensions sociales. Les différences de classes se transposent en classes, les dealers y trouvent des clients autant que des employés et rabatteurs, les professeurs et l’encadrement ne sont plus respectés et les réseaux sociaux sont omniprésents pour relater ce qui se passe ou devant être mis en scène.
Dans la réalité comme dans les films on notera la grande absence des parents, le plus souvent dépassés qui n’assument plus leurs rôles, souvent parce qu’ils n’en ont ni le temps, ni les moyens, ni l’autorité.
Cette réalité de terrain n’est pas simplement un problème d’éducation, elle est aussi un enjeu sécuritaire majeur pour aujourd’hui et demain. Quand Chevènement a voulu réintroduire (1984/1986) de façon claire l’éducation civique à l’école que n’a-t-on entendu à l’époque. Quarante ans plus tard G. Attal souhaitant, lui aussi, le retour de l’autorité à l’école ne dit pas fondamentalement autre chose. Quarante ans et le vertigineux sentiment que rien n’a été fait, que la société n’a pas évolué sur cette question, que l’école s’est dégradée et que les tensions sociales sont passées de la fracture au trou béant que rien ne semble pouvoir combler.
Des portiques de sécurité sont mis à l’entrée de certaines écoles, des caméras surveillent les alentours, des patrouilles de police ou de gendarmerie deviennent la norme, des enseignants ne veulent plus exercer leur métier, des parents s’indignent quand ils ne veulent pas s’en prendre directement au corps enseignant, la laïcité est vue comme une ennemie des religions alors qu’elle en est la protectrice impartiale… et pourtant rien ne change.
Plus grave encore cette situation n’est plus l’apanage des grandes villes, mais touchent les petites et moyennes agglomérations voire les zones rurales que l’on pensait jusqu’alors épargnées. Cette diffusion suit d’une façon mathématique la progression des consommations et trafics de stupéfiants qui amènent dans leurs sillages une criminalité collatérale. Et, comme les réseaux criminels sont généralement dirigés par des individus d’origine étrangère souvent issus de pays musulmans, il n’est pas compliqué d’y voir une relation de cause à effet politiquement bien commode, car pas complètement erronée.
Les solutions existent certainement pour sortir de cette impasse et éviter que l’école publique ne soit que le réceptacle des délaissés et déviants de notre société laissant aux écoles privées le privilège de l’accueil des enfants de ceux qui en ont les moyens ou l’envie et ce indépendamment de leurs opinions politiques ou religieuses. S’agit-il se solutions d’avenir – qui restent à formaliser – ou d’un retour aux solutions passées qui ont fait leurs preuves avant que l’on décide de les trouver « vieux jeu ».
Le retour de l’uniforme semble par exemple une initiative à développer, sous l’uniforme ou la blouse, on peut masquer des écarts sociaux par trop importants qui se manifesteraient au travers des vêtements. Et donc apaiser des pulsions d’envie ou de jalousie qui, réseaux sociaux aidant, peuvent dégénérer rapidement.
L’interdiction des portables dans le cadre des établissements en eux-mêmes serait elle aussi une idée à creuser, installer des casiers à cet usage, ne serait pas onéreux et éviterait des situations de règlements de compte ou de mise en scène propices à la violence.
Un retour à une discipline basique consistant à se lever à l’arrivée du professeur ou à être puni en cas d’écart ne serait pas une mauvaise chose. Le creuset commun qu’était le service militaire ayant disparu, il semble nécessaire de redonner aux classes d’âge successives des habitudes et valeurs communes. L’école avait un peu, après mai 68, abandonné ce rôle le laissant à l’armée au moment de l’incorporation, mais le service militaire ayant disparu, rien n’est venu le remplacer dans ce rôle de creuset commun donnant un sens profond aux notions de nation, de communauté, de nationalité et de valeurs partagées.
Une sensibilisation et responsabilisation des parents sans tomber dans l’infantilisation pourraient aussi être réfléchies. Cela aiderait les cercles familiaux à s’impliquer dans l’éducation des enfants. Il y a une responsabilité des parents dans le comportement de leurs enfants, aux Etats-Unis ont été jugés les parents d’un mineur auteur d’une tuerie dans une école, car ils n’avaient pas réagi aux signaux clairs envoyés par leur progéniture – sur les réseaux sociaux encore eux – avant que de passer à l’acte. Nous n’en sommes pas encore là, mais l’évolution d’une violence juvénile dotée d’armes blanches doit fortement inquiéter et amener une réaction a priori et non la désolation et les regrets a posteriori.
Une implication des pouvoirs publics est aussi indispensable. Les mairies et les forces de l’ordre doivent afficher une présence visible autour des établissements pour dissuader les trafics de toutes natures et ne pas détourner le regard aux motifs de quartiers défavorisés ou jugés irrécupérables. Ce n’est pas nécessairement le travail de la police et de la gendarmerie nettement plus occupées par la répression des trafics de drogue. Maintenant, à Paris, les bailleurs sociaux ont mis en place un Groupement Parisien interbailleur de Surveillance, que l’on reconnait à leur véhicule noir griffé du logo GPIS et qui, depuis 10 ans, patrouillent dans les parties communes des résidences HLM. Leur efficacité en termes de dissuasion (et d’intervention) ne fait plus débat. Peut-être que les écoles/lycées pourraient s’en inspirer pour se doter d’une force de sécurité spécialisée et dédiée à cet effet. Le modèle américain des polices d’université n’est pas à ignorer de prime abord. En partenariat avec les polices municipales, par exemple, une telle force sécuritaire pourrait parfaitement occuper un espace qui est actuellement délaissé.