La guerre est revenue frapper aux portes de l’Union européenne amenant à reconsidérer l’organisation de la défense des pays membres et les moyens qui y sont consacrés. Les menaces aux origines extérieures sont de moins en moins lointaines, les armements modernes dont sont dotés de plus en plus de pays ou de groupes armés, raccourcissent considérablement les distances et le temps pour les franchir.
Le réchauffement climatique n’est plus une hypothèse de travail lointaine mais se traduit de plus en plus régulièrement sur nos territoires par des inondations, des éboulements, des sécheresses, des fontes de glacier, des disparitions de domaines skiables, des atteintes parfois définitives à la biodiversité, des incendies de forêt.
Les tensions sociales sont de plus en plus éruptives et dégénèrent beaucoup plus rapidement et intensément que par le passé, aidées en cela par des réseaux sociaux qui agissent comme des accélérateurs. Ces tensions sont aussi alimentées par l’infiltration criminelle de certains pans de notre économie ou espaces territoriaux. Le « 93 », les quartiers nord de Marseille, Grenoble, Lyon, Avignon pour n’en citer que quelques-uns qui ont fait l’actualité récente, autant de secteurs gangrénés par les trafics de drogue et un déclassement social avéré.
L’impact des réseaux sociaux et des nouvelles technologies n’est pas non plus à sous-estimer. Outils de nos vies quotidiennes tellement omniprésents que l’on en vient à les oublier, la multiplication des cyberattaques est là pour nous rappeler notre dépendance à eux. On assiste de ce point de vue à l’émergence d’une hybridation des menaces où les réseaux transforment rapidement un fait divers en fait de société irradiant bien au-delà de son sujet originel.
Toutes ces tensions sociales qui traversent notre société sont de nature à remettre en question le pacte social fondement essentiel de notre démocratie. Ces tensions favorisent par essence le communautarisme vu comme une base de repli sécurisante dans un environnement perçu comme hostile, et par extension des phénomènes de rejet et d’hostilité vis-à-vis de ceux qui ne sont pas dans la communauté. La multiplication des actes racistes ou antisémites de ces derniers mois en fournit un exemple, de même que les comportements agressifs, comme celui récent d’une élève d’un lycée de Tourcoing, concernant le maintien de signes extérieurs religieux dans des espaces où cela est prohibé.
Tous ces faits sont autant de traumatismes pour la société. Elle doit les encaisser et en subir les conséquences. Elle doit faire preuve d’une résilience érigée en ligne de conduite et qui doit être accompagnée d’un soutien de la puissance publique pour que l’engagement citoyen ne reste pas vain.
Il est évident que les forces de sécurité, police et gendarmerie ont un rôle opérationnel majeur, mais le plus souvent postérieur aux faits qui pourraient être poursuivis.
La résilience participe d’un état d’esprit et d’un engagement citoyen, d’un civisme, qui doit permettre de prévenir, d’aider et d’assister ceux qui en ont besoin. Il est utile de rappeler que la France dispose pour cela de bras, désarmés par nature, mais qui agissent de façon efficace au nom d’un intérêt général fort.
Défense civile, protection civile, sécurité civile en sont les noms et si, parfois, une confusion est entretenue, chacune de ces entités répond à des missions précises qui se complètent.
La défense civile vient en complément de la défense militaire pour protéger les civils des conséquences sur les personnes et les biens d’un conflit armé. Elle est placée sous une autorité militaire mais est complétée par des acteurs civils. Elle concerne tout autant la mise en place d’abris pour la population que de solutions pour préserver des entreprises et des services gages de la souveraineté de l’Etat. Cela fait plusieurs décennies que la défense civile est en sommeil, le contexte actuel tend à la réveiller.
La protection civile est une association qui regroupe et fédère en son sein des organismes visant à assurer le secours aux personnes. La Croix Rouge ou l’Ordre de Malte en sont par exemple des membres éminents et visibles qui interviennent pour sécuriser des rassemblements ou pour apporter une aide lors de catastrophes naturelles par exemple.
La sécurité civile est, elle, une autorité publique, actuellement dirigée par un préfet, placée sous la dépendance du ministère de l’Intérieur. Elle est là pour porter secours et assistance aux populations et peut, pour cela, s’appuyer sur les moyens existants tels que les pompiers volontaires ou professionnels. Son rôle est en constante évolution, car directement corrélé aux réalités de la société. Aujourd’hui près de 90% des interventions des pompiers concernent non plus le feu mais les secours à la personne, ce qui est logique pour une population vieillissante.
Aujourd’hui le système fonctionne mais les pressions qui sont exercées sur lui sont de plus en plus fortes et témoignent parfois d’une absence de prise de conscience citoyenne que des comportements individuels, par leur incivisme, affectent toute une chaine d’interventions. Les inondations, qui en France tuent plus que les incendies, ont leurs lots d’irrespect de consignes de sécurité nécessitant de mobiliser des moyens onéreux pour venir en aide à des personnes négligentes de consignes affichées. Chaque année les pelotons de gendarmerie de haute montagne interviennent pour des skieurs « hors-piste ». Il en est de même des secours en mer ou d’incendies de forêt déclenchés par inadvertance, négligence ou malveillance.
À partir de 1982 a été créé un Haut Comité Français pour la Défense Civile (association loi 1901) qui s’est transformé en Haut Comité Français pour la Résilience Nationale, présidé par Pierre Lellouche et dirigé par Christian Sommade, qui se pose comme plate-forme d’échanges entre les secteurs public et privé sur les questions des risques et menaces majeurs visant la résilience des organisations et de la société civile.
Cette notion de résilience que l’on a pu penser être l’apanage de Boris Cyrulnik qui l’a popularisé en psychiatrie n’est pas usuelle dans les domaines de la défense ou de la sécurité. On aurait tendance à lui substituer le terme de résistance. Pour autant ce terme de résilience est le plus adapté pour décrire un « état d’esprit » qui doit concerner un pays et une société dans toutes ses composantes.
En France cette résilience est encore à la peine. Peut-être le devons-nous à des services publics qui agissent avec diligence, efficacité et gratuité. Maintenant cette réalité est soumise, elle aussi, à des contraintes budgétaires qui sont sujettes à caution et réduction. L’engagement citoyen est donc plus qu’une variable d’ajustement, une soupape permettant d’offrir un service de qualité à un coût acceptable.
La résilience ici évoquée n’est donc pas une notion distante mais bien une préoccupation qui doit tous nous concerner. Le Haut Comité Français à la Résilience Nationale n’est donc pas un comité Théodule sans but ni avenir mais bien le lieu idéal pour une catharsis sociétale qui doit permettre d’identifier les points de vulnérabilité de notre société et d’y apporter des réponses en vue de les rendre résilients aux atteintes dont ils pourraient faire l’objet et, in fine, de les renforcer.