Des escrocs se font passer pour des conseillers bancaires afin de piéger leurs victimes. Leur but est de les amener à valider, en toute confiance, des opérations frauduleuses sur leurs comptes. Ces arnaques, dites « au faux conseiller bancaire », se multiplient. Elles sont au cœur du livre Les Caméléons (éditions Flammarion), récemment publié par le journaliste Thibaut Martinez-Delcayrou. Il y retrace l’ascension, à partir de 2021, d’un des réseaux les plus structurés de cette fraude de masse.
Quand DSK décroche… et tombe dans le piège
La victime la plus médiatique de ce réseau est Dominique Strauss-Kahn. En août 2021, l’ancien ministre reçoit un appel affichant le numéro officiel d’American Express. Un faux conseiller l’alerte sur une transaction suspecte et lui demande de la bloquer sans délai. En réalité, DSK valide à son insu un paiement frauduleux de près de 9 000 euros.
Derrière cette manœuvre se trouve Emmanuel B., 22 ans à l’époque, présenté comme le chef de file du réseau. Entre début 2021 et mars 2023, date de son premier procès, lui et ses complices auraient amassé jusqu’à plusieurs millions d’euros.
Un journaliste victime devenu enquêteur
Victime de cette même arnaque à la fin de l’année 2023, Thibaut Martinez-Delcayrou décide de remonter la piste de ses auteurs. Pendant près d’un an, il enquête, épluchant plus de 2 500 documents et recueillant 150 témoignages. Le résultat est édifiant. Pendant plusieurs mois, Emmanuel B. et ses complices amassent des sommes colossales, affirmant gagner entre 100 000 et 200 000 euros par semaine et par personne. Leurs opérations, pilotées depuis des hôtels de luxe situés à deux pas des Champs-Élysées, ciblent tous types de profils, sans distinction : chômeurs, salariés, professions libérales…
Scénario d’appel rodé, techniques de manipulation, circuits de blanchiment via les néobanques, matériel digne des services de renseignement… Tout témoigne du haut niveau de sophistication de cette criminalité numérique. Au cœur du dispositif, le « spoofing » permet aux escrocs d’usurper le numéro d’une banque pour rendre l’appel parfaitement crédible. Cette illusion de légitimité, renforcée par l’usage croissant d’intelligences artificielles et de deepfakes, rend la fraude toujours plus difficile à détecter.
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La France, deuxième pays le plus touché au monde par les piratages bancaires après la Russie, voit ces escroqueries exploser. Et les dispositifs de protection restent à la traîne. Face à cette menace, l’auteur livre un conseil sans détour : mieux vaut être paranoïaque… que dépouillé.