Pouvez-vous présenter le GES ? Son rôle et son fonctionnement ?
Le Groupement des entreprises de sécurité (GES) est la première organisation patronale représentative de la sécurité privée. Créé en 2019, il réunit plus de 200 entreprises adhérentes, de toutes tailles et sur l’ensemble de territoire métropolitain et ultramarin. Le GES a le statut d’association « Loi 1901 », et dispose donc d’une Assemblée générale, d’un Conseil d’administration de 15 administrateurs, répartis en 3 Collèges permettant de représenter l’ensemble des tailles d’entreprises, et d’un Bureau, avec le Président, 3 vice-présidents, le trésorier et le trésorier adjoint. Le Bureau et le Conseil d’administration se réunissent une fois par mois. Enfin, nous avons 3 salariés permanents.
Le GES est adhérent du MEDEF, de la CPME, de la FFSP, de l’UFACS, de la COESS, mais également membre de plusieurs instances paritaires, toutes celles de la branche Prévention-Sécurité naturellement, mais également d’AKTO, notre opérateur de compétences pour le financement de l’alternance et de l’apprentissage.
Le GES est membre de plusieurs instances du CNAPS
Quelles sont vos relations avec les pouvoirs publics, et notamment le ministère de l’Intérieur ?
Avec les pouvoirs publics, nous avons des relations à la fois institutionnalisées et des relations d’échange permanent. Ainsi, au titre de ce qui est institutionnalisé, le GES est membre de plusieurs instances du CNAPS : le Conseil d’administration, la Commission de discipline et la Commission d’expertise. Nous avons également près d’une centaine de référents départementaux, qui sont les interlocuteurs des préfets de département et des forces de police et de gendarmerie dans les territoires. Enfin, nous échangeons avec les structures du ministère de l’Intérieur, que ce soit le cabinet du ministre, la DLPAJ, la DLPAJ, la CNSJ, de manière très régulière, que ce soit pour des projets de texte ou sur le sujet des JOP de Paris 2024.
« L’instauration d’une garantie financière obligatoire »
En tant qu’acteur majeur de la sécurité privée en France, pouvez-vous revenir dans le détail sur vos principales réalisations et propositions (garantie financière, sécurité incendie, indice de coût de revient…) ?
Nous avons effectivement plusieurs propositions-phares, à même de renforcer la régulation économique et opérationnelle du secteur de la sécurité privée.
Concernant la garantie financière, nous avons fait le constat que l’objectif initialement recherché avec le CNAPS n’a pas donné les résultats escomptés du point de vue de la régulation économique. Les pratiques abusives consistent pour certaines entreprises à se soustraire de manière systématique à leurs obligations, en organisant leur insolvabilité, privant ainsi d’efficacité les éventuelles poursuites engagées par les créanciers et les sanctions prononcées par la CNAPS. Or, pour assurer la sécurité de tous, l’Etat fait de plus en plus appel aux entreprises du secteur privé. Ces entreprises doivent être à même de remplir leurs missions et d’être suffisamment fiables pour faire face à leurs obligations, notamment financières et sociales, vis-à-vis des URSSAF et donc des contribuables.
Il faut savoir que la garantie financière est un outil déjà utilisé dans 49 autres secteurs qui a permis d’assurer un développement économique, social et opérationnel sain des dits secteurs : agences immobilières ou administrateurs des biens, agences de voyages, avocats, agences de mannequinat, travail temporaire.
Ainsi, cette mesure s’inscrit dans un objectif de renforcement du secteur de la sécurité privée, au moment où les pouvoirs publics souhaitent y faire de plus en plus appel. En outre, il s’agit de récupérer, pour l’Etat, le manque à gagner en matière de cotisations sociales impayées en cas de liquidation. Le garant financier vérifiera que l’entreprise a une pérennité de quelques mois, lui permettant de survivre si l’un de ses clients ne paye pas ou très en retard.
Pour ces raisons, nous demandons l’instauration d’une garantie financière obligatoire pour les entreprises de sécurité privée, pour se créer et conserver leur autorisation d’exercice délivrée par le CNAPS. Un amendement a été discuté en commission des affaires sociales lors des débats sur le PLFSS pour l’année 2024, mais finalement repoussé : les députés ne sont pas encore assez conscients du sujet. Toutefois, les planètes s’alignent sur le sujet : le ministre de l’Intérieur y est favorable, les organisations syndicales de salariés également, ainsi que les organisations de donneurs d’ordre et de directeurs de la sécurité. La balle est désormais dans le camp des pouvoirs publics, notamment de Bercy et du ministère du Travail…
Concernant l’indice des coûts de revient, il s’agit d’une création du GES. L’indice, qui nous a pris deux ans à construire (fiabilisation juridique, élaboration du panel, etc.), est désormais publié depuis un an. A quoi sert-il ? Il doit permettre aux prestataires de sécurité ainsi qu’aux clients de disposer d’une base objective de l’évolution des coûts en sécurité privée, principalement la masse salariale évidemment, afin de négocier les revalorisations contractuelles correctement. En effet, nous observons trop souvent que les revalorisations salariales de branche (7,5% en 2023, 5% en 2024) ne parviennent pas jusqu’aux revalorisations de contrats, ce qui place nos entreprises dans une fragilité conséquente.
Il convient également de rappeler que la création d’indices sectoriels était l’une des recommandations du Rapport de la mission d’accompagnement des partenaires sociaux dans la démarche de la reconnaissance des travailleurs de la deuxième ligne du 19 décembre 2021, afin de créer un cercle économique et social vertueux. L’indice actuel des coûts de revient de la sécurité privée s’inscrit totalement dans le cadre de cette recommandation.
Ainsi, nous souhaitons que les marchés publics, les plus problématiques, utilisent obligatoirement cet indice sectoriel. L’application de la révision de prix à la date d’entrée en vigueur d’un accord de salaire ou d’une hausse légale (SMIC) devrait accompagner cette mesure, afin de ne pas laisser pendant plusieurs mois l’équilibre économique, et donc social, mis en risque.
Enfin, concernant la sécurité incendie, nous relevons une situation de plus en plus paradoxale et inquiétante. Cette situation est passée d’un certain non-sens administratif à celle d’un risque que nous estimons important.
En effet, la sécurité privée est réglementée par le livre VI du Code de la sécurité intérieure : cela implique un contrôle de moralité pour les agents de sécurité privée. À l’inverse, concernant la sécurité incendie, qui est réglementée par l’arrêté du 2 mai 2005, aucune enquête de moralité n’est prévue pour les agents concernés. Nous avons indiqué, à plusieurs reprises, notre souhait que les agents de sécurité incendie fassent l’objet d’une telle enquête, sous couvert du CNAPS.
A cette situation s’ajoute désormais celle du principe d’exclusivité. Jusqu’à il y a quelques années, une entreprise de sécurité privée pouvait proposer des prestations de sécurité incendie, même si dans le contrat ou sur le site il n’y avait pas de sécurité privée. Or, depuis deux ans, le CNAPS interprète différemment cette notion d’activité connexe et interdit aux entreprises de sécurité privée de proposer des prestations de sécurité incendie si, sur le site, il n’y a pas en même temps une prestation de sécurité privée.
Cette nouvelle interprétation entraîne que des entreprises se créent, uniquement en sécurité incendie, et avec des agents ne faisant l’objet d’aucun contrôle de moralité. Qui plus est, peuvent s’y retrouver précisément des personnes qui se sont vues refuser une carte professionnelle par le CNAPS.
Au moment où un continuum de sécurité se met en place, allant de la sécurité publique à la sécurité privée, le CNAPS met ainsi une barrière au sein même des entreprises de sécurité privée, leur interdisant de prester en sécurité incendie seule. Le maillon faible du continuum de la sécurité est ainsi devenu la sécurité incendie, avec des entreprises qui se développent en recrutant des agents de sécurité incendie qui n’ont pu avoir de cartes professionnelles ou, pire, se la sont vu retirer.
Nous souhaitons donc une intégration pleine et entière de la sécurité incendie dans le livre VI du Code de la sécurité intérieure, de la formation initiale à la carte professionnelle. Et, à titre transitoire, et tant que la question de la moralité n’a pas trouvé de vecteur législatif, nous souhaitons qu’un moratoire soit établi sur l’interprétation restrictive du principe d’exclusivité par le CNAPS : cela sera de nature à limiter, pour le moment, les risques de développement d’une sécurité incendie parallèle et hors de contrôle.
Le secteur de la sécurité privée est très sollicité cette année avec les JO, les commémorations du débarquement… Parvenez-vous à faire face à toutes ces demandes ?
Cette année est effectivement très intense pour le secteur de la sécurité privée. Avec les événements d’envergure tels que les Jeux Olympiques et Paralympiques et les commémorations du débarquement, la demande en agents de sécurité privée est très forte, alors même que le secteur est déjà en tension. À date, le secteur de la sécurité privée fonctionne déjà avec environ 15.000 agents manquants pour l’ensemble des prestations courantes…
Pour les JOP de Paris 2024, nous avons travaillé avec le ministère de l’Intérieur, la DIJOP, le CNAPS, France Travail, etc., depuis plusieurs années pour élargir le vivier de candidats, notamment avec les étudiants et la possibilité d’une formation plus courte en matière de sécurité événementielle. Cela produit des effets, mais l’obstacle des JOP est encore haut : les deux mois qui viennent doivent voir ces efforts conjoints, publics et privés, s’accroître. Campagnes de communication vers les étudiants, les retraités, les agents qui ont une carte mais ne sont plus dans le secteur, les demandeurs d’emploi, et précisions de Paris 2024 sur son besoin en effectifs sont les éléments attendus par le GES.
Nous avons également fait des efforts conséquents en matière d’attractivité salariale : au 1er janvier 2023, les salaires ont ainsi augmenté de 7,5%, et au 1er janvier 2024, de 5%. Cela nous place dans une comparaison tout à fait acceptable avec les autres secteurs à forte intensité de main d’œuvre.
« la sécurité privée est un marché »
Comment envisagez-vous la profession dans les prochaines années ?
L’avenir de la profession dépend de plusieurs acteurs : nous d’abord, c’est-à-dire, le GES, qui est en mesure de faire des propositions (comme la garantie financière, l’indice des coûts de revient, l’évolution du CNAPS, les transferts de missions possibles du public au privé, la formation, en lien avec les partenaires sociaux).
Les pouvoirs publics, ensuite, doivent davantage nous écouter, même si, il faut le dire, les relations sont bien meilleures depuis plusieurs années qu’auparavant. Le ministère de l’Intérieur, notamment, sait désormais conduire des concertations sur ses projets de texte bien plus constructives : il concerte avec nous, avec les organisations syndicales de salariés, et cela est bien plus intéressant.
Les responsables politiques sont sans doute encore un peu en retard sur la compréhension de notre secteur, de nos contraintes, de nos enjeux. Comme pour les JOP de Paris 2024, ils ne perçoivent pas totalement, par exemple, que nous n’avons pas, en stock, des agents à mobiliser au coup de sifflet !
Il revient aussi à l’Etat de savoir ce qu’il veut de la sécurité privée, et comment il souhaite qu’elle renforce ses propres forces de sécurité. Sa contrainte budgétaire alliée à une demande de sécurité de plus en plus diffuse (qui va du terrorisme à des petits actes de délinquance ou d’incivilité de moins en moins tolérés socialement) ne pourra que l’inciter à se tourner de plus en plus vers la sécurité privée.
Mais à cela nous posons une condition : la sécurité privée est un marché, avec des entreprises prestataires et des clients. Tout transfert de missions ne devra se faire que si les conditions opérationnelles économiques sont réunies pour que la prestation soit effectivement possible et rentable.