Mais ça c’était avant. Avant que l’évolution de la société et donc de sa criminalité ne fasse des prisons des lieux non plus de rééducation sociale mais plutôt des lieux d’endoctrinement et de rencontres criminelles. Eloignées des villes elles n’ont jamais été aussi présentes dans les banlieues et quartiers sensibles, dans les réseaux organisés et les règlements de compte et ce par la grâce de moyens de communication et de réseaux sociaux qui y permettent la poursuite d’activités criminelles complexes. Les actualités récentes ne manquent pas de le rappeler et d’interroger.
La prison ne se résume pas à des statistiques. Celles du nombre de détenus supérieur aux capacités d’accueil. Celles de leur état, le plus souvent déplorable, qui ferait honte à n’importe quel pays mais qui perdure faute de moyens. Celles de leurs moyens humains souvent déconsidérés et dont on ne soupçonne que rarement la force de caractère qui leurs sont nécessaires pour évoluer dans un environnement marqué par la brutalité et l’asociabilité.
Ces statistiques ont souvent masqué les prisons et leurs enjeux au profit d’une vision comptable commode et au fond très désaffectée pour le citoyen lambda.
Centres de rétention – dont on annonce l’augmentation significative de la capacité avec près de 3000 places supplémentaires – prisons, centrales, maisons d’arrêt, pénitenciers, bagnes…autant de mots qui viennent aussi brouiller les cartes de compréhension et qui plongent dans le passé, le présent et, pourquoi pas, le futur.
Hier déconnectée du monde réel, aujourd’hui en prise directe avec lui, les lieux de détention ont connu ces dernières années une évolution qui les a replacé au centre du jeu de la lutte contre le crime organisé et le terrorisme. Il était temps en espérant qu’il ne soit pas trop tard.
Les défaillances que des faits divers réguliers viennent illustrer, évasion lors d’un transport au tribunal, recrutement de sicaires depuis une cellule, endoctrinement de futurs djihadistes, gestion distancielle de réseaux criminels ou de narcotrafics…tout cela est réel mais serait surtout évitable si on s’en donnait les moyens. Il est bien de focaliser l’attention de l’opinion publique et des médias sur les étrangers en situation irrégulière et d’y consacrer des moyens humains et financiers à les repérer, les interner, les juger et, éventuellement, les expulser mais il ne faudrait pas que cet arbre cache une forêt bien plus dangereuse.
Les chiffres de l’immigration peuvent être interprétés de nombreuses façons, mais grosso modo il y a sur une année près de 145.000 demandes d’asile en France dont la moitié sont acceptées, les recalés sont donc en situation irrégulières. Et chaque année il y a 62.000 tentatives pour, depuis les côtes françaises, traverser de la Manche dont 45.000 aboutissent. En somme les immigrés essayent d’en un premier temps de se régulariser et beaucoup n’y arrivant pas font du Royaume-Uni leur El Dorado.
En face il y a près de 90.000 personnes détenues en prison. Pour arrêter la criminalité à quoi doit donc s’attaquer ? A quelques dizaines de milliers de personnes qui cherchent un monde meilleur et qui font de la France un pays de transit mais qui ont le tort d’être très visibles et donc politiquement l’avantage d’être très récupérables. Ou aux 90.000 internés qui, pour beaucoup, font de la prison une école d’apprentissage et de réseautage et récidivent (pour 40%) à la sortie mais qui ne sont pas visibles aux journaux télévisés et qui n’ont pas de grand intérêt politique.
Ne nous y trompons pas l’administration pénitentiaire est bien aux premières loges de la sécurité de notre pays et il convient de s’y intéresser et de lui donner l’éclairage qu’elle mérite.