Saisi par soixante députés après l’adoption, fin avril 2025, de la loi « visant à sortir la France du piège du narcotrafic », le Conseil constitutionnel a rendu sa décision le 12 juin. Au cœur des critiques : 38 articles jugés attentatoires aux libertés fondamentales, parmi lesquels plusieurs dispositifs très intrusifs en matière de renseignement, de procédure pénale ou de détention. Si six articles sont censurés, l’ossature de la loi demeure intacte, assortie de réserves d’interprétation qui en redéfinissent les contours juridiques.
Surveillance algorithmique, dossiers confidentiels : les bornes posées
La censure la plus nette concerne l’expérimentation d’un système de renseignement algorithmique destiné à repérer les réseaux de stupéfiants à partir de métadonnées numériques. Jugée disproportionnée au regard du droit à la vie privée, cette disposition autorisait l’analyse massive de données, y compris des URL consultés.
Autre mesure retoquée : le « dossier coffre », procès-verbal non communicable à la défense. Le Conseil rappelle que nul ne peut être condamné sur la base d’éléments non contradictoires, bornant l’usage de ce dispositif à la seule orientation de l’enquête.
Deux autres censures notables concernent la visioconférence obligatoire pour les détenus en quartier de lutte contre le crime organisé – jugée incompatible avec les droits de la défense en détention provisoire -et la garde à vue portée à 96 heures pour certains délits, dont la simple corruption, considérée comme excédant les exigences de la procédure.
Mesures validées sous conditions : entre efficacité et vigilance
Si le Conseil rejette certains excès, il valide une large part de la loi, mais sous réserve d’un encadrement strict. Les quartiers de haute sécurité sont autorisés, à condition que les fouilles intégrales soient dûment justifiées. Les écoutes électroniques et intrusions à distance dans les terminaux sont admises uniquement dans les dossiers de criminalité organisée passibles d’au moins cinq ans de prison.
Le texte maintient également la possibilité de fermetures administratives de lieux associés au trafic, le blocage de contenus en ligne ou encore une procédure accélérée en cas d’ingestion de stupéfiants, autant de mesures validées à la lumière de leur proportionnalité.
Réactions : entre satisfecit gouvernemental et critiques durables
Du côté de l’exécutif, Gérald Darmanin salue un arsenal juridique renforcé, notamment sur le plan carcéral. À gauche, la Ligue des droits de l’homme, le Syndicat des avocats et celui de la magistrature dénoncent une validation de principe d’un texte qu’ils considèrent comme liberticide. Tous pointent la réintroduction de régimes d’isolement, jugés contraires à la dignité humaine.
Lire aussi sur L’Essor de la Sécurité : Ce que contient la proposition de loi contre le narcotrafic adoptée par le Sénat
Le Conseil, pour sa part, rappelle les limites de son rôle : il ne juge pas l’opportunité politique d’une loi, mais son respect des normes constitutionnelles.