On rappellera que les habitants de ce territoire ont eu, à trois reprises, l’occasion de se prononcer sur son maintien ou non au sein de la France, et ce sur la base d’un vote d’un corps électoral validé tant par les Calédoniens de souche que par ceux arrivés au cours des dernières décennies, et qui peut aussi prétendre à faire entendre leurs voix.
Apparemment il y a une volonté de rebattre les cartes et de ne pas voir un accord obtenu de haute lutte continuer à produire ses effets, entre autres par une réforme constitutionnelle.
Ils sont toujours fascinants ou déroutants, ces mouvements indépendantistes qui, au nom de leur liberté supposée, sont disposés à se jeter dans les bras des premiers dictateurs venus, de Chine, de Russie ou, au cas présent, d’Azerbaïdjan. Choix qui laisse, on en conviendra, perplexe tant la proximité entre la Nouvelle-Calédonie et ce pays ne semblait pas apparente de prime abord. Maintenant la France s’étant intéressée au conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, cette dernière se met à s’intéresser à la situation franco-calédonienne, une forme de mauvaise manière en somme. Mais celle-ci ne doit pas être minorée au regard des moyens financiers dont dispose ce pays et du soutien qu’il saura trouver auprès de la Russie.
Il serait bon que le gouvernement fasse preuve non de fermeté, mais aussi et surtout de lucidité, ce qui semble être le cas. Les moyens suivront-ils, telle est la question.
La Nouvelle-Calédonie est un enjeu stratégique majeur pour la France dans la zone indopacifique.
Au-delà d’être une présence et un véritable porte-avion immobile, elle permet aussi d’afficher des zones maritimes exclusives et d’être en proximité avec Tahiti, mais aussi l’Australie et la Nouvelle-Zélande, voire des nations asiatiques qui témoignent régulièrement de leurs angoisses vis-à-vis des velléités territoriales chinoises.
Ce territoire n’est pas exempt non plus de richesses naturelles comme le nickel et le fait que la France ait beaucoup de mal à rentabiliser cette filière ne signifie pas pour autant qu’elle puisse être délaissée. Régulièrement des matériaux et techniques que l’on croyait remisés au grenier des usages retrouvent de nouvelles applications qui leur rendent une valeur commerciale forte. La France représente 7 % de la production mondiale de ce minerai aux nombreux usages.
Maintenant la situation calédonienne ne doit pas se limiter à une équation économique.
N’en déplaise aux indépendantistes les accords de Matignon signés par le gouvernement Rocard donnaient un cadre précis et accepté par toutes les parties.
Des scrutins ont été prévus pour initier une indépendance ou s’assurer d’une volonté de rattachement pérenne à la métropole.
Les scrutins successifs ont témoigné de cette envie de rattachement, le fait que les indépendantistes aient appelé au boycott du dernier scrutin ne doit pas faire illusion. Seules, la peur de le perdre – ce qui a été le cas – et la volonté de le décrédibiliser ont justifié cette attitude antidémocratique.
Tout autant antidémocratique est l’attitude des Kanaks qui aimeraient que le corps électoral ne soit pas modifié en incluant de nouveaux arrivants ou des citoyens dont les familles sont implantées depuis plusieurs générations et qui n’ont pas obtenu encore le droit de vote. Ce qui, en passant, est contraire à la Constitution. Au fond certains Kanaks sont des admirateurs d’O Wilde qui écrivait que « tous les hommes sont égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres ».
Il est évident que le gouvernement ne peut tolérer une pareille situation. Évidemment on peut s’attendre à ce que les représentants de LFI brandissent eux aussi le drapeau kanak voire y associent, pour la bonne cause, un drapeau palestinien et pourquoi pas Azerbaïdjanais ou Chinois comme les bons maoïstes qu’ils sont restés. Maintenant la recherche du chaos permanent que manifeste de façon programmatique ce parti ne peut servir de boussole.
On peut espérer que le gouvernement qui adviendra, l’actuel n’est plus réellement de mise, n’y prêtera pas trop attention et saura trouver les voies de l’apaisement, il est inutile de mettre de l’huile sur le feu, de la fermeté, car les atteintes à l’ordre public ne sont pas tolérables, mais aussi de la prospective en reprenant le fil de l’esprit qui avait prévalu il y a 40 ans lors des accords de Matignon. Il conviendra aussi que le gouvernement issu des élections législatives ne rentre pas, par principe ou idéologie, dans une logique radicale et réfléchisse plutôt aux réponses qui pourraient être adressées aux communautés locales, mais aussi aux pays qui s’ingèrent dans les affaires intérieures de la France.
C’est peut-être cela l’enseignement le plus important. Mener une réflexion quant aux moyens, non seulement d’identifier préalablement les ingérences étrangères, mais aussi de les dissuader.
Plus personne n’ose rencontrer le Dalaï-Lama ou évoquer le sort des Ouïghours (qui visiblement n’émeuvent pas les indépendantistes Kanaks) du fait d’une grande maitrise par la Chine de ses postures offensives dès lors qu’elle considère qu’il y a une ingérence dans ses affaires intérieures et celles-ci ne concernent pas que Taiwan.
Dans la zone indopacifique, la France doit pouvoir se doter de la même capacité d’influence.
La présence française ne saurait être remise en question du fait d’une manipulation de certaines opinions publiques ou politiques certainement rémunérées pour cela. Ce qui s’est passé en Afrique n’a pas de raison de se produire en Nouvelle-Calédonie. Et que l’on ne vienne pas expliquer que la situation présente peut s’apparenter à celle de l’Indochine après-guerre ou de l’Algérie d’avant 1962 ou pourquoi pas des Amérindiens cantonnés dans leurs réserves. Tout n’est pas comparable ni transposable.
Le peuple kanak a des droits, mais aussi des devoirs et s’ils voient leur terre comme inviolable, car ne pouvant accepter la présence du moindre étranger il serait temps de rappeler que les raisonnements fondés sur une conception datée issue d’un XIXe siècle colonialiste ne sont plus de mise. Les exigences de sécurité et de tranquillité de nos concitoyens calédoniens ne sont pas abusives et ne relèvent nullement d’une approche néocoloniale, mais bien d’une volonté de retrouver les voies d’un vivre ensemble qui n’auraient jamais dû être ignorées.