Sécurité et immigration : et si le bon choix était d’accueillir toute la misère du monde

23 mai 2024 | Société

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Sécurité et immigration : et si le bon choix était d’accueillir toute la misère du monde

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Avec leur politique de conduite au Rwanda les Anglais ont franchi un pas intéressant, à savoir le déplacement de migrants dans un pays d’accueil qui n’est pas le leur, moyennant des sommes conséquentes versées au Rwanda qui est celui-ci.

Avec un PIB de l’ordre de 13 milliards d’€ on peut en effet penser que les centaines de millions de £ (on parle de 600 millions £ soit près de 700 M€ sur 5 ans) qui vont être versées par Londres constituent une manne (140 M€ par « tranche » de 300 demandeurs d’asile soit environ 466.000 €/personne) qui ne peut être écartée d’un revers de la main.

Il est intéressant de voir qu’un pays plutôt attaché aux droits de l’Homme avec un habeas corpus qui est aussi important que les Tables de la Loi puisse s’affranchir de son histoire et de ses pratiques pour expédier vers le Rwanda des personnes en recherche d’une terre d’accueil.

Le Rwanda n’allait pas refuser cette hausse potentielle de 5% de son PIB, bienvenue pour un pays qui souhaite développer son économie, essentiellement fondée sur le tourisme. Le coût estimé à  466.000 €/personne rapatriée (hors les sommes versées en préambule pour aménager des infrastructures d’accueil soit au cas présent 200 M£) de la sorte est en effet conséquent, incluant les frais de transport, les frais d’hébergement (le Royaume-Uni a financé la construction de sites d’hébergement à Kigali), les coûts administratifs au Royaume-Uni, le pécule laissé aux rapatriés.

À ce niveau on peut même espérer que le Royaume-Uni n’ait pas à financer le déplacement des 30.000 migrants qui, chaque année, franchissent la Manche car au prix actuel la facture pourrait se chiffrer en milliards d’€. On n’évoque pas le % d’illégaux s’installant au Royaume-Uni sur les 740.000 personnes qui le font chaque année. Mais que ne ferait-on pas pour régler cette question ô combien épineuse ? Rappelons pour mémoire que le Royaume-Uni verse chaque année à la France 180 M€ pour bloquer, à Calais, autant que possible, la traversée de la Manche.

Le Royaume-Uni n’est pas le seul pays qui soit confronté à cette situation et à une volonté politique d’y remédier. L’Allemagne, l’Espagne, les Pays-Bas, la France le sont aussi. L’Italie qui faisait la une sur cette question est reléguée en pages intérieures, il est vrai que sa situation économique s’étant considérablement améliorée cela a entrainé une demande en main-d’œuvre qui a rendu, tout à coup commodes ces afflux de migrants.

On peut se demander, avec ces niveaux de contributions financières, si nous ne prenons pas le problème du mauvais côté de la lorgnette. Les flux migratoires sont comme les courants océaniques ou les alizés ils ont toujours existé et rien ne peut, réellement, les arrêter. La quête d’un monde meilleur et d’un avenir plus radieux ne seront jamais éliminés de notre ADN. Aujourd’hui nous avons la chance que la France, comme d’autres pays européens, constitue une terre d’espérances. De même, rappelons-nous que nous n’avons pas toujours eu à nous plaindre de ceux qui l’on atteint. En 1960/70 on faisait venir par charters entiers les ouvriers nord-africains, en 2024 on veut les renvoyer chez eux par charters entiers, eux et les nouveaux migrants.

La question qui peut être posée est de savoir si ces flux ne pourraient pas être une source de richesse à côté de laquelle nous passerions sans nous en apercevoir – à la différence du Rwanda pour reprendre cet exemple.

Les 30.000 migrants que Londres ne veut pas voir franchir la Manche constituent au « tarif actuel » une manne de 6 milliards d’€. À supposer même que nous octroyions une ristourne de 90% pour nos amis anglais, cela ferait quand même 600 M€ qui pourraient être utilement utilisés.

Par exemple à Mayotte qui pourrait, à l’instar du Rwanda, pleinement profiter de ces fonds pour rebâtir des infrastructures d’accueil, de soins, d’éducation, mais aussi de sécurité et de démantèlement des camps comoriens.

Londres y trouverait son intérêt car Mayotte étant la France les reproches de choisir un pays instable ou peu respectueux des droits de l’homme ne seraient dès lors plus de mise.

La distance entre Mayotte, qui est une île rappelons-le donc aisé à sécuriser,  et les côtes britanniques rend improbable une évasion et un retour à Calais.

Par ailleurs les 30.000 migrants évoqués ne sont pas 30.000 délinquants en puissance mais bien des personnes qui cherchent à s’intégrer comme ont su le faire avant eux de nombreuses personnes inconnues ou connues d’origine hongroise (Sarkozy), espagnole (Hidalgo ou Semprun), arménienne (H Verneuil ou C Aznavour), afghane (Atiq Rahimi – prix Goncourt 2008), polonaise (Marie Sklodowska – épouse Curie), libanaise (Amin Maalouf de l’Académie française)… les exemples abondent et méritent d’être médités.

À ce rythme et avec ce budget Mayotte peut rapidement devenir une ile paradisiaque. Actuellement son budget est de 500 M€, il serait multiplié par 2. Ensuite si le besoin continue à exister – et il n’y a aucune raison pour qu’il en soit autrement – la Guyane pourrait être la seconde collectivité ultramarine à être bénéficiaire de cette situation. Là on ne parle que du Royaume-Uni mais d’autres nations pourraient être intéressées. Au lieu d’enrichir des passeurs sans scrupules, autant favoriser le développement de nos territoires souvent en manque de financement et de main-d’œuvre. Qui sait, peut-être même que Saint-Barth ou Saint Martin postuleraient pour être éligibles !

Lors de la rédaction de cet article; je m’interrogeais sur son côté un peu provocateur, après tout l’externalisation de demandeurs d’asiles ou de migrants n’est pas une pratique qui a bonne presse et qui peut rappeler des souvenirs douloureux. Himmler, jamais à court d’idées, ne voulait-il pas faire de Madagascar le lieu de déportation de tous les juifs européens. Et, dans l’Histoire, la crainte justifiée d’un sort fatal à de tous temps poussé des communautés à s’expatrier dans un pays qui n’était pas le leur. Mais cette interrogation n’avait pas lieu d’être et 15 pays de l’Union européenne ont très officiellement demandé à la Commission européenne d’étudier, dans le cadre d’un durcissement de la politique migratoire, les modalités d’une « externalisation » de la pression migratoire vers des pays qui, comme le Rwanda, y trouveraient leurs intérêts. Déjà chaque année l’Union européenne verse quelques milliards d’€ à la Turquie pour qu’elle garde chez elle les migrants qui aimeraient bien rejoindre l’Europe alors pourquoi ne pas continuer.

Mayotte, la Réunion, la Nouvelle-Calédonie, la Guyane, autant de territoires français en tension économique qui, dans certaines conditions, pourraient trouver avec une solution d’accueil non déséquilibrante, des sources de revenus appréciables.

La pauvreté et la misère du plus grand nombre a toujours été une source d’enrichissement pour ceux qui ont su la valoriser (déstockage, cash converter, crédit municipal…) mais généralement il fallait que les personnes concernées aient, au moins, quelque chose à monnayer. Aujourd’hui ce sont des États parfaitement solvables qui proposent de payer. Ne serait-il pas le moment, là aussi, de lancer un « Choose France » dont les revenus pourraient ne rien avoir à envier à ceux de son pendant versaillais ? Les migrants sont une source d’insécurité, tout le monde en convient et les moyens mis en œuvre se révèlent, à chaque fois, insuffisants. Maintenant s’ils génèrent un chiffre d’affaires conséquent le problème de la sécurité sera réglé soit parce que leur intégration/assimilation sera une réussite, soit parce que les moyens suffisants seront disponibles. La seule condition c’est de faire comprendre aux migrants qu’ils n’auront de valeur que s’ils choisissent préalablement un autre pays que la France.

Registre :

Auteur / autrice

  • Nicolas Lerègle

    Nicolas Lerègle, avocat au barreau de Paris, ancien auditeur de l’INHES (19e section), conférencier en sécurité économique labélisé Euclès et certifié en management du risque criminel et terroriste en entreprise (INHESJ/EDHEC). Ancien directeur des affaires immobilières et de la protection du patrimoine de groupes internationaux, il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur l’immobilier publiés chez Economica.

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