Vidéosurveillance : ce qu’il faut savoir avant de filmer ses salariés

26 février 2024 | Droit, Technologie

Temps de lecture : 3 minutes

Photo : Pixabay

Vidéosurveillance : ce qu’il faut savoir avant de filmer ses salariés

par | Droit, Technologie

Confondu par les images du système de vidéosurveillance après avoir volé du gasoil dans son entreprise, un salarié a été licencié pour faute grave à tort selon la Cour de cassation. En effet, l’employeur n’avait pas informé son personnel de l’installation de la vidéosurveillance. Le licenciement a été jugé sans causse réelle et sérieuse.

Peut-on, en France, surveiller ses salariés durant leur temps de travail en les filmant pour ensuite se servir des images en cas de faute ? Oui, mais sous certaines conditions. Dans un arrêt du 6 décembre 2023, la Cour de Cassation souligne qu’installer un système de vidéosurveillance sans respecter l’encadrement juridique de ce dispositif n’est pas une bonne pratique. Si cette procédure n’est pas respectée, l’employeur ne peut par prouver la faute d’un salarié, même si ce dernier a, par exemple, été filmé en train de voler quelque chose dans son entreprise durant son temps de travail.

Comme l’explique aef info, ce cas s’est présenté lors du licenciement pour faute grave d’un conducteur de travaux. Il était soupçonné d’avoir volé du gasoil dans un entrepôt durant son temps de travail. Pour prouver la faute du salarié, l’employeur a apporté comme unique preuve les enregistrements de la vidéosurveillance du bâtiment où le vol a eu lieu.

Devant la justice, la salarié a contesté son licenciement, avançant notamment que la preuve, apportée par son employeur, était illicite, car le personnel n’avait pas été préalablement prévenu de l’installation des caméras de surveillance. En France, l’employeur peut contrôler et surveiller l’activité de son personnel durant son temps de travail à condition que le personnel et le CSE soient préalablement informés de l’installation du dispositif de surveillance (Code du travail, articles L.122-4, L.2312-38).

Pour tenter de justifier cette absence d’information préalable des salariés, l’employeur a expliqué que cette vidéosurveillance avait été déployée dans un simple entrepôt ne comportant pas de poste de travail, mais uniquement des rangements, des véhicules et des cuves de gasoil. Les caméras utilisées étaient orientées afin de ne filmer que la zone de l’entrepôt qui permettait l’accès aux cuves de gasoil, et non l’intérieur du bâtiment.

La société a également indiqué qu’elle avait déployé ce dispositif, non pas pour surveiller l’activité de ses salariés, mais bien pour identifier les voleurs. Comme elle soupçonnait l’un de ses salariés d’être l’auteur des vols, elle estimait qu’elle n’avait pas à informer le personnel que la vidéosurveillance avait été installée. Selon l’employeur, ces soupçons ont d’ailleurs été confirmés par les enregistrements.

Une preuve irrecevable

Approuvée par la Cour de cassation, la cour d’appel n’a pas retenu les arguments de l’employeur et les juges ont livré une autre lecture des faits. Ils estiment que l’employeur avait l’obligation d’informer les salariés de la mise en place du dispositif de vidéosurveillance, installé dans le hangar de l’entreprise. Si, selon la déclaration faite à la CNIL, ce dispositif était destiné à la protection des biens et à l’identification des auteurs de vols et dégradations, il permettait aussi de contrôler et de surveiller l’activité des salariés qui pénétraient dans cette zone afin d’accéder aux véhicules et matériel de l’entreprise.

La cour d’appel a donc pu en déduire que les preuves, obtenues grâce aux enregistrements provenant de la vidéosurveillance, l’avaient été de manière illicite, à défaut d’information préalable des salariés. Cette preuve était donc irrecevable. Comme la seule faute du salarié était sur ces enregistrements, son licenciement était, par conséquence, sans cause réelle et sérieuse.

Comment invoquer une preuve illicite ?

Toutefois, la Cour de cassation précise, dans son arrêt, qu’une preuve illicite n’est pas toujours irrecevable. En effet, il revient au juge d’apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble. Pour le cela, le juge met en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve.

Le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments qui portent atteinte à la vie personnelle d’un salarié, à condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit directement proportionnée au but poursuivi. Que cette analyse soit faite par le juste, la partie, qui produit la preuve illicite, doit en faire la demande. Sur ce point, l’employeur n’en aurait pas fait la demande.

Registre :

Auteur / autrice

La Lettre Conflits

La newsletter de l’Essor de la Sécurité

Voir aussi