Si le président de la République, Emmanuel Macron, a salué « de nets progrès dans le rétablissement de l’ordre » en Nouvelle-Calédonie, l’opinion publique doit s’habituer à une mesure inédite dans les démocraties occidentales : la fermeture de TikTok dans ce territoire français du Pacifique Sud placé sous l’état d’urgence. La mesure a été annoncée par le Premier ministre le 15 mai.
L’objectif est d’apaiser les violences en coupant ce réseau social utilisé comme lieu d’échange par les émeutiers et de prévenir les tentatives d’ingérences étrangères, en particulier celles de l’Azerbaïdjan que Paris accuse de souffler sur les braises.
Une mesure, déjà évoquée, devenue réalité…
Une telle mesure avait déjà été évoquée par l’exécutif en 2023 après les émeutes déclenchées par la mort de Nahel. Elle est aujourd’hui devenue une réalité. Pour ce faire, le gouvernement s’appuie sur la loi relative à l’état d’urgence de 1955, actualisée en 2015. Cette loi permet au ministre de l’Intérieur, lors d’un état d’urgence déclaré, de « prendre toute mesure pour assurer l’interruption de tout service de communication au public en ligne provocant à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie ».
Cette décision n’en est pas moins très décriée. Elle ne serait « ni nécessaire, ni proportionnée », écrit Stefania Di Stefano une spécialiste en droit international dans les colonnes du Monde. Un recours a d’ailleurs été déposé auprès du Conseil d’État par les associations de la Ligue des droits de l’Homme et de La Quadrature du Net : « L’objectif de notre contestation judiciaire n’est pas de défendre TikTok – dont le modèle économique toxique est indiscutable – mais de couper court à l’inquiétant élan autoritaire du gouvernement français au nom de la liberté d’expression et de communication ».
Une efficacité discutable
De fait, pour faire accepter sa décision, le gouvernement profite des critiques internationales qui s’accumulent actuellement sur TikTok, application chinoise de partage de vidéos à laquelle il est notamment reproché d’espionner ses utilisateurs. Pour autant, dans le cadre des événements liés à la mort de Nahel, c’est le réseau social Snapchat et sa fonction de géolocalisation qui étaient visés. Or, en Nouvelle-Calédonie, cette fonction de TikTok n’est pas active.
Lire aussi sur L’Essor de la Sécurité : APT28, l’autre nom de l’ingérence russe en Europe
En outre, si des tentatives d’ingérence et de manipulation ont bien été identifiées, elles ne l’ont pas été sur TikTok. Selon un rapport de Viginum, le service technique et opérationnel de l’État chargé de la vigilance et de la protection contre les ingérences numériques étrangères, des centaines de publications identiques, pointant les supposées violences de la police française, ont bien été diffusées en masse sur les réseaux sociaux. Mais cette technique de propagande algorithmique, connue sous le nom d’ « astroturfing », est utilisée sur des réseaux sociaux américains, en l’occurrence Facebook et X.
De nombreux observateurs remarquent donc que cette interdiction, créant un précédent fâcheux pour la défense des libertés publiques, serait peu efficace. Elle est de plus très facile à contourner à l’aide d’un simple VPN.