Alain Dumait, vous publiez aux éditions de l’Essor de la Gendarmerie, le récit d’enquêtes de la Gendarmerie sur des dossiers médiatisés. Pouvez-vous nous rappeler dans quel contexte une enquête revient à la Gendarmerie ?
En matière d’enquêtes pénales, criminelles ou non, les gendarmes travaillent sous le contrôle et l’autorité du Parquet. C’est donc le procureur compétent pour la localité où le crime enregistré qui décide de confier l’enquête, soit à la Police, soit à la Gendarmerie, dans le cadre du dualisme de nos forces de sécurité. En général, quand un crime est commis en zone gendarmerie (95 % du territoire et 50 % de la population), l’enquête est confiée à la Gendarmerie.
Qu’est-ce qui a changé dans les enquêtes criminelles depuis l’affaire Gregory, il y a près de 40 ans ?
À peu près tout a changé ! La qualification et l’expertise des enquêteurs, et surtout les outils dont ils disposent. La criminalistique est devenue une science de pointe, utilisant tous les outils de l’observation et du numérique, sur le terrain ou en laboratoire. Si on compare les moyens d’aujourd’hui avec ceux d’hier, il faut aussi inclure les moyens de surveillance, l’excellence informatique, l’art de faire parler les traces d’ADN, mais aussi les bases de données, la coopération internationale… Le crime parfait devient de plus en plus rare !
La rapidité du développement de la technologie au service de l’enquête peut-elle favoriser la réouverture de nombreux dossiers selon vous ?
Mais bien sûr ! Depuis décembre 2021, les « cold cases » bénéficient d’un titre spécifique dans le code de procédure pénale. Un parquet spécialisé a été installé à Nanterre. Plus de 200 dossiers ont été identifiés. Près de 80 ont été ré-ouverts par trois juges d’instruction. Plusieurs de ces vieux dossiers ont déjà parlé. Pas plus tard que le 20 janvier 2024, un homme suspecté d’avoir tué Caroline Marcel sur les bords du Loiret en 2008 a été écroué, a indiqué le parquet. Cette affaire avait été transmise au pôle « cold cases » de Nanterre.
Pour vous, quelle enquête est-elle la plus incroyable et pouvez-vous nous raconter pourquoi ?
Pour les gendarmes, auxquels notre magazine s’adresse, il me semble que l’affaire la plus incroyable est celle dite du « tueur fou de l’Oise ». Les faits se sont déroulés en 1978-1979. Pendant un an, Alain Lamarre va semer la terreur dans ce département. Après son arrestation, il avoue un meurtre, cinq tentatives de meurtre, quatre véhicules piégés, quinze véhicules volés, et une agression à main armée. Déclaré irresponsable par les experts-psychiatres, il ne sera jamais jugé, et sera placé dans un asile psychiatrique. Où il serait toujours, près de Béthune, dans le Pas-de-Calais.
Or Lamarre était gendarme ! Et, jusqu’au jour de son arrestation, il participait aux enquêtes de ses propres crimes, au titre du Psig (peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie) de Chantilly, où il était affecté !
Alain Dumait